La Conférence épiscopale tchadienne a annoncé samedi 3 septembre la suspension de sa participation aux séances du dialogue national inclusif et souverain, qui doit permettre la tenue des élections libres et démocratiques, et la remise du pouvoir aux civils. Les évêques dénoncent notamment le manque d’inclusion et refusent de cautionner la mainmise d’un groupe sur le processus de ce dialogue.
Christine Kinghombe (Cité du Vatican) et Séverin Ndinghatoloum (N’Djamena)
L’épiscopat tchadien a suspendu sa participation au dialogue national inclusif et souverain, ouvert samedi 20 août à N’Djamena. Dans une note désignée au dialogue national inclusif et souverain, les évêques expliquent les raisons de leur retrait du processus, tout en réaffirmant leur disponibilité à participer aux démarches de réconciliation qu’ils jugeront sincères.
Un « dialogue de la dernière chance»
Dans leur déclaration, les évêques rappellent que, dès l’annonce de ce processus, l’Église du Tchad «s’est sentie concernée et a accordé une importance particulière à ce dialogue en y prenant part avec une délégation composée d’évêques, de prêtres et de laïcs». Au nom de sa mission de réconciliation, de promotion de la justice et de la paix, l’Église du Tchad avait pris au sérieux ce «dialogue de la dernière chance» qui devait «permettre à tous les fils et filles du Tchad de s’entendre sur un nouveau contrat social dont le socle serait la justice et la bonne gouvernance».
Le caractère inclusif et souverain du dialogue s’effrite
Cependant, en dépit de l’accent mis sur la sincérité de ce dialogue aussi bien dans les discours officiels que dans les premières prises de paroles, son caractère inclusif et souverain s’effrite, déplorent les évêques. Pour la conférence épiscopale, «ce dialogue qui est à la fois politique et social doit remplir en priorité les acteurs politiques et ceux de la société civile dont un bon nombre est encore dehors».
L’inclusion et la recherche de consensus ne sont malheureusement pas au rendez-vous dans ce forum qui doit se pencher sur des questions d’importance nationale comme la réforme de l’État, le processus électoral, la paix et la réconciliation, constaté l ‘épiscopat tchadien. «Alors que nous continuons notre œuvre de médiation avec ceux du dehors, certains participants ont quitté le dialogue ou menacent de le quitter pour protester contre la manière confuse dont le règlement intérieur a été adopté et par le mode totalement étrange d’obtenir le consensus dans la désignation des membres du présidium», peut-on lire dans la déclaration de la conférence.
«Il n’y a pas eu de dialogue»
Les évêques regrettent également l’absence d’un vrai dialogue, précisant que celui-ci «se fonde sur l’écoute réciproque». A la place, soulignent-ils, ces assises ressemblent «à une campagne électorale avec d’un côté, ceux qui nécessitent le changement et un renouvellement de la classe politique ; et de l’autre ceux qui bloquent tout et veulent continuer comme avant en plaçant en place une machine savamment orchestrée».
Devant une telle situation de crise de confiance entre les différents groupes opposés les uns aux autres, et ne voulant pas cautionner la mainmise d’un groupe sur le processus, les prélats se voient contraints de suspendre leur participation aux séances du dialogue. «La paix est certes un don de Dieu mais elle est aussi une œuvre de justice de la part des hommes», déclarent les pasteurs tchadiens, tout en réaffirmant leur disponibilité pour les démarches ultérieures de réconciliation plus sincères.
Appel à la sincérité
La décision des évêques intervient moins d’une semaine après le point de presse de l’Union des mouvements et associations des laïcs de l’Église catholique du Tchad (UMALECT). Le collectif des laïcs tchadiens a dénoncé lundi 29 août le manque d’inclusion, l’opacité qui entourait la mise en place du présidium du dialogue national inclusif et exhortait le comité organisateur à interrompre les travaux afin de favoriser la réussite des efforts de médiation en cours . M. Edmond Djimhodoum, représentant de la plateforme, appelait tous les acteurs impliqués à la sincérité sans calcul partisan afin de garantir le succès du dialogue.
Après plusieurs rapports, le dialogue national inclusif, annoncé par le général Mahamat Idriss Déby, chef du Conseil militaire de transition, (CMT), s’est finalement ouvert le 20 août. Ses conclusions devraient permettre le retour de l’ordre constitutionnel rompu après le décès, le 20 avril 2021, du président Idriss Déby Itno, notamment par la tenue des élections libres et démocratiques, et la remise du pouvoir aux civils.